Vidéo : 4 formats d’interviews qui fonctionnent

L’interview, tout le monde connaît. Mais savez-vous qu’en audiovisuel, de nombreux formats existent, chacun répondant à un enjeu spécifique ? Analysons ensemble 4 types d’interview courants, et leur impact.

Set-up d’interview pour une série de vidéos pour la marque WineChain © Aymeric Guittet / Miage Films

Sommaire :

L’interview, c’est tout ce qu’un personnage exprime au cours d’une vidéo. Avec la musique, le sound design et bien sûr l’image, ces mots et phrases font avancer la narration. Ils guident votre audience du début à la fin du film. Je considère, à ce titre, que l’interview est souvent la colonne vertébrale d’une vidéo.

C’est presque inconscient pour le spectateur, mais le format de cet entretien a aussi un sens. Celui-ci va donner un ton, une posture, un style au film. Il va influer sur la manière dont la vidéo se positionne par rapport au monde : est-on dans le cadre d’une communication de marque ? Impose-t-on un message, ou laisse-t-on le spectateur se faire sa propre opinion ? La vidéo est-elle filmée “dans les conditions du direct” ou maîtrise-t-on tous les paramètres ? Selon le message que l’on veut faire passer, le type de narration choisi, on optera pour l’un des formats d’interview présentés ci-dessous.

Type 1 : L’interviewé regarde le réalisateur situé hors-champ

Premier type d’interview, peut-être le plus évident à nos yeux, habitués aux reportages télévisés et documentaires : la personne interrogée est présente à l’image, et elle s’exprime en regardant hors-champ, comme si elle s’adressait à une personne que le spectateur ne voit pas (le journaliste ou réalisateur).

Exemple d’interview avec regard hors-champ, dans une ambiance plutôt corporate © Aymeric Guittet / Miage Films

L’intérêt de ce type d’interview ? Donner l’apparence du naturel, du spontané, presque de la conversation. La réalisation cherche à faire croire que la caméra est venue là par hasard, elle est invisible et capte simplement un échange entre l’interviewé et la personne qui l’interroge. On veut donner l’impression que tout n’est pas maîtrisé, que le personnage s’exprime spontanément, sans contraintes. C’est le format par essence de tout discours sur le réel, reportages et documentaires.

Interview pour un documentaire. Bien entendu, le sujet doit toujours regarder dans la direction opposée, pour simuler l’idée de conversation © Aymeric Guittet / Miage Films

Ici, on laisse le spectateur se faire sa propre opinion, et si besoin garder une certaine distance : il est simple observateur de la scène, et non pris “yeux dans les yeux” par l’interviewé. Cette configuration d’interview n’est toutefois pas réservée aux médias : je filme souvent de la vidéo corporate ou d’entreprise avec des personnages qui ne regardent pas la caméra mais le réalisateur. L’idée est, là encore, de faire “comme si” nous étions dans un moment de vie normal, alors qu’en réalité tout est calibré pour emmener le spectateur dans une direction bien précise. Procéder ainsi peut être très puissant, car plus subtil : l’audience n’a pas l’impression de regarder une vidéo de communication ou un message publicitaire, mais plutôt un documentaire ou un reportage.

Interview pour un documentaire de marque (WineChain x Champagne Pierre Peters) © Aymeric Guittet / Miage Films

Pour conclure sur ce format d’interview, j’indiquerais qu’il comporte plusieurs sous-types : interviewé placé dans le tiers gauche ou droit (pour respecter la classique règle des tiers), centré ou à l’opposé complètement excentré, voire de profil.

Avec la multiplication des contenus vidéo en ligne, certains réalisateurs cherchent l’originalité et placent leur sujet de manière assez incongrue, sur le bord du cadre, de côté… Cela apporte certes de la variété, mais ces cadrages ne sont pas neutres d’un point de vue narratif : ils influent sur la manière dont l’audience perçoit le personnage. Je suis pour ma part plutôt partisant d’un certain classicisme en la matière, et place le plus souvent mon sujet sur le tiers gauche ou droit : la composition est naturellement dynamique, et le personnage est présenté de manière neutre, ce qui correspond à l’objectif visé.

Type 2 : L’interviewé regarde la caméra

Dans ce deuxième format, le sujet ne regarde plus hors-champ mais… vous, le spectateur. Lors du tournage, le cadreur ou réalisateur aura demandé à l’interviewé de regarder l’objectif qui le filme ; une fois que la vidéo est montée et diffusée sur votre écran, vous avez alors l’impression que l’interviewé parle en vous regardant dans les yeux.

Ce simple glissement du regard a de grandes conséquences. Impossible désormais de faire croire à l’invisibilité de la caméra et à la captation d’un instant de vie naturel : spectateur et réalisateur acceptent le fait que nous soyons dans une situation contrôlée, avec une vidéo préparée, tournée et montée dans un objectif précis. On perce en quelque sorte le “quatrième mur”, entre la personne filmée et celle qui la regarde.

Contenu de marque pour WineChain, où le sommelier Antoine Petrus s’adresse à la caméra à la façon d’un journaliste © Aymeric Guittet / Miage Films

On voit bien sûr ce type de “talking-head” dans les médias, où le journaliste s’adresse à son audience de cette façon (en étant assis, debout ou en marchant). C’est un moyen classique d’interagir avec lui, et de le rendre concerné.

En communication, une utilisation fréquente de ce format d’interview vise à délivrer un message, une formation, ou un témoignage. L’intérêt ? Appuyer le propos d’une forme d’autorité. Ainsi, si le sujet est placé au centre et vous regarde dans les yeux, il n’y a presque plus d’espace pour voir les choses différemment, l’interviewé “impose” son discours et sa gestuelle. Il vous parle, vous prend entre quatre yeux.

Récemment, je me suis servi de ce type de cadrage pour l’entreprise WineChain, qui souhaitait développer une formation autour de l’oenologie (voir contenu ci-dessus). Il y avait 10 vidéos programmées, certaines durant plus de 15 minutes. Demander à mon sujet de regarder hors-cadre aurait été innaproprié : il s’agissait de parler directement à l’élève pour qu’il se sente concerné, et soit enclin à écouter et se former. J’ai également placé mon personnage au centre du cadre, pour éviter que l’oeil ne soit distrait par un grand espace vide, et ce faisant je lui ai donné une forme d’autorité morale.

Même cadrage, intention différente : pour l’entreprise Welcome to the Jungle (voir ci-dessus), je dirige des séries d’interviews où le sujet (le collaborateur d’une entreprise) est toujours centré et regarde la caméra. Ici, l’interviewé ne dispense pas de tuto ou de formation, mais délivre un témoignage sur son expérience dans l’entreprise. Le discours n’est pas maîtrisé à 100%, on garde une certaine spontanéité. Néanmoins, cadrer ainsi permet de créer un lien direct entre l’interviewé et la personne qui regarde, peut-être elle-même un(e) futur(e) collègue.

Cette connexion personnage-spectateur à travers l’écran, c’est vraiment ce qui rend unique ce type de prise de vue. C’est d’ailleurs pourquoi on le trouve dans de très nombreuses vidéos sur YouTube (comme celle présentée ci-dessus) et autres TikTok. Regarder la caméra + se filmer soi-même, ce serait ainsi la quintessence du témoignage simple, direct et brut, et une façon de montrer qu’il n’y a personne entre la personne filmée et son public.

En vidéo de communication d’entreprise, on peut récupérer ces “codes YouTube” pour faire témoigner un client, un utilisateur, un collaborateur… de manière plus informelle que d’habitude. Je conseille toutefois de bien préparer ce type de séquence, car le rendu peut facilement faire “amateur” et manquer sa cible.

Type 3 : L’interviewé et l’intervieweur se parlent normalement

Cette fois, le sujet principal n’est plus seul dans le cadre : il est accompagné par l’intervieweur. On peut distinguer deux cas : le journalistique et le documentaire.

Dans les médias télé ou web, dans les formats JT ou magazine, il arrive régulièrement que le journaliste apparaisse à l’image, à côté de la personne qu’il interviewe. C’est parfois nécessaire d’un point de vue technique, mais surtout cela permet de représenter un dialogue entre les deux parties, et de montrer le travail du journaliste, qui interroge, analyse et rebondit. L’idée est d’assumer une certaine transparence, c’est comme si l’on montrait l’information en train de se construire (à la différence du 1er type d’interview, où l’on veut faire oublier la caméra et le processus du reportage).

Interview à deux type documentaire, en ignorant la caméra © Aymeric Guittet / Miage Films

Dans le deuxième cas, le documentaire, on a toujours la présence d’un interviewé et d’un intervieweur, mais cette fois, ils ignorent la caméra et le processus de tournage. Ces deux personnages (ou plus) interagissent normalement, et la caméra se fait totalement oublier. Elle est comme “une petite souris” captant un moment de vie, dans un esthétique davantage cinématographique. Les protagonistes peuvent ainsi être filmés de dos, de profil, l’un derrière l’autre, marchant côte à côté, effectuant une action… tout en poursuivant une interview qui ressemble beaucoup à une conversation. Il en découle un sentiment de sincérité et d’intimité, qui amène à utiliser ce format en documentaire, appelé alors “cinéma-vérité”.

Suite de la précédente interview, cette fois en marchant dans les vignes © Aymeric Guittet / Miage Films

J’apprécie pour ma part beaucoup l’utilisation de ce format, qui permet de faire avancer une intrigue de manière naturelle. Récemment, c’est ce style que j’ai choisi pour une série de trois documentaires de marque avec la start-up WineChain : Antoine Petrus, sommelier renommé, interrogeait des vignerons de manière informelle, pendant que nous explorions le domaine viticole. L’objectif était d’entraîner le spectateur de manière naturelle dans les coulisses de la fabrication d’un vin, sans que soit martelé un message publicitaire.

Antoine Petrus et Rodolphe Peters discutent, sans se soucier de la caméra © Aymeric Guittet / Miage Films

Il faut toutefois garder à l’esprit que ce type d’interview demande une bonne préparation, pour être certain que des éléments intéressants vont en sortir, et qu’on ne perdra pas le fil en partant dans des détails ou digressions inutiles (la personne interrogée peut, elle aussi, oublier qu’elle est filmée !).

Type 4 : L’interviewé demeure invisible

Dernière manière d’utiliser une interview en vidéo : se servir uniquement de la voix lors du montage, et non de l’image de l’interview. Dans cette configuration, on choisit de ne montrer aucun plan où le personnage parle, que ce soit face cam, regardant le réalisateur, ou dialoguant avec un quelqu’un d’autre. Seuls ses mots sont utilisés, comme pour une voix-off.

Ce procédé a des atouts indéniables, en particulier en documentaire. En effet, lorsque vous voyez l’action se dérouler et l’intrigue progresser, insérer un plan d’interview vous sort du lieu et du temps du film. Cela peut briser le charme en train d’opérer, et interfère avec le ressenti global du film.

J’ai utilisé cette technique dans certains de mes portraits documentaires, tels Contrastes ou Hervé & Claire, le temps du legs. Pour ces projets, j’ai tourné les interviews, mais ai finalement choisi de n’utiliser que la voix et non l’image.

Bien sûr, cette utilisation de l’interview ne convient pas à tous les projets. Ce format est surtout adapté pour de la non-fiction, avec un nombre restreint de personnages. Dès lors que de nombreuses personnes interviennent pour faire avancer l’intrigue, montrer le moment de l’interview et la personne qui parle est indispensable.

Bonus : La technique de l’observateur flottant

Une technique transverse à ces 4 formats est celle de “l’observateur flottant”. Le principe : tandis que la caméra principale filme de manière académique l’interview, un second cadreur se déplace hors-champ pour saisir le sujet sous d’autres angles : gros plan du visage, des mains, détails…

Le point de vue “alternatif”… © Aymeric Guittet / Miage Films

… versus le point de vue “principal” © Aymeric Guittet / Miage Films

L’idée est de disposer de plans variés pour le montage, mais aussi de parvenir à filmer de plus près ces moments où l’interviewé se relâche, fait tomber le masque, laisse transparaître ses émotions… éléments qui sont parfois plus ardus à saisir depuis la caméra principale, posée souvent de face sur un trépied.

Dans la mesure du possible, demandez toujours au vidéaste de venir avec deux caméras pour votre interview : le résultat n’en sera que plus qualitatif.

Si cet article vous a plu et que vous souhaitez utiliser l’un de ces formats d’interview pour votre projet, n’hésitez pas à me joindre sur ma page Contact ou via aymeric.guittet@gmail.com

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